Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Présentation

  • : Le blog de Thomas PETIT
  • : Recherche et partage d'alternatives à une société en panne d'imagination sociale. La théorie doit mener à une pratique positive.
  • Contact

Profil

  • Thomas PETIT
  • Economiste de formation et de prédilection, j'ai touché à pas mal de petits boulots dans le privé avant de me diriger vers l'administration fiscale. J'ai eu plusieurs fois des positions importantes de négociateur et analyste syndical et politique.
  • Economiste de formation et de prédilection, j'ai touché à pas mal de petits boulots dans le privé avant de me diriger vers l'administration fiscale. J'ai eu plusieurs fois des positions importantes de négociateur et analyste syndical et politique.

Rechercher

16 juillet 2010 5 16 /07 /juillet /2010 15:18

Le gouvernement et tous ses soutiens se sont largement félicités dans la presse du rapport de l’IGF qui « blanchirait » M. WOERTH.


 

Dans un premier temps, il faut expliquer que le rapport en question a pour objectif de vérifier qu’il y a eu intervention ou pas dans certains dossiers. La mission est donc de donner des éléments sur une éventuelle fraude organisée ou facilitée par M. WOERTH. Sur ce point, le rapport atteint l’objectif fixé par le gouvernement : l’IGF n’a pas constaté de fraude sur les dossiers étudiés.

Il n’est pas utile de rappeler que l’IGF est un organisme dépendant du gouvernement, tant au niveau de ses nominations que du côté de sa hiérarchie. Pour preuve : c’est bien le ministre des comptes publics, M. BAROIN, et donc du gouvernement, qui missionne l’IGF. Ceci n’est pas une accusation mais un fait.

Il n’est pas non plus utile de remarquer que l’IGF qui rapporte dans la confidentialité et auprès du seul ministre qui l’a missionné, a cette fois eu pour objectif « un rapport ayant vocation à être rendu public ».

Enfin, il n’est pas utile de constater que « selon les termes de la lettre de mission, le rapport était attendu au plus tard le 12 juillet », soit 11 jours après la signature de la même lettre, c’est à dire 11 jours pour étudier 6247 dossiers, 3000 noms sur une liste, conduire des interrogations de 58 personnes dans 15 directions différentes (annexe 2), ainsi que tout ce qui n’a pas été précisé. Il va sans dire que les 4 signataires du rapport devaient être soutenus par nombre de collègues mais 11 jours pour une telle charge de travail, avec une telle responsabilité, une responsabilité médiatique et même républicaine puisqu’il s’agit d’une affaire d’Etat, … 11 jours paraissent bien insuffisants pour penser que tous les recoupements, toutes les précisions, etc… nécessaires aient pu être totalement mis en œuvre.


 

Mais il n’est pas utile de préciser ces points car ils ne sont pas essentiels.

Ce qui est essentiel dans un premier temps, c’est que le rapport se borne à ce qui a pu être clairement fait par M. WOERTH et pas à la situation condamnable en elle-même de conflit d’intérêt. En effet, le conflit d’intérêt ne consiste pas en l’utilisation des moyens mais bien dans le fait d’avoir les moyens, une facilité, de conduire des actions illicites, des pressions ou autre. C’est donc bien le cumul des fonctions qui est condamnable en soi même s’il était prouvé que M. WOERTH n’eut jamais même l’intention d’utiliser cette situation à son profit ou au profit de sa formation politique.

Le rapport ne répond donc qu’à une partie du problème et ne pourrait, du fait même de la mission qui lui a été donnée, « blanchir » M. WOERTH que sur une partie des questions posées dans toutes ces affaires.


 

Et puis il faut en venir au deuxième point, très problématique : le rapport de l’IGF, malgré toutes les précautions qui ont pu être prises, démontre qu’il y a bien eu une intervention sanctionnable. J’utilise le mot sanctionnable car c’est le terme que l’on pourrait utiliser pour tout agent de l’Etat qui aurait pratiqué ce qui est expliqué au paragraphe 2.1.3.2 du rapport de l’IGF.


 

Que nous dit ce paragraphe ?

Le titre est déjà explicite : « La situation fiscale d’un contribuable pour lequel M. DE MAISTRE est intervenu auprès du ministre. »

M. De MAISTRE, en sa qualité d’avocat, pourrait effectivement effectuer une intervention à la demande de son client.

Mais l’IGF explique qu’il s’agit d’une saisie pour le compte d’un associé. On peut supposer que c’est à la demande de cet associé puisque M. DE MAISTRE est considéré comme un intermédiaire.

Tout agent de l’administration fiscale devrait refuser de donner des informations sur un dossier à un tiers (et même à un agent non dument mandaté) qui plus est lorsqu’il s’agit d’un dossier qui n’est pas de son périmètre.

Or que fait M. WOERTH, alors ministre ? Il organise 2 réunions de la cellule fiscale (cellule auprès du ministre qui étudie les dossiers qui remontent à la signature du ministre) les 19 septembre et 9 novembre 2007. « La cellule fiscale a interrogé le bureau CF2 sur l’état d’avancement du contrôle de ce contribuable. La mission n’a pas eu trace d’autres échanges entre le contribuable et les collaborateurs du ministre et entre les collaborateurs du ministre et les services. » L’IGF précise que le contrôle n’a pas fait l’objet d’un redressement et que l’analyse des investigations lors de ce contrôle « témoignent d’un traitement normal du dossier. »

Là encore, il n’est pas utile de s’appesantir sur l’idée que le contact avec le bureau CF2 a certainement fait l’objet d’un contact direct (et oral) avec les inspecteurs en charge du contrôle, et que ce contact est en soi une pression supplémentaire sur le dos des agents. Ceci ne pourrait certainement pas être démontré et est de l’ordre du psychologique, ce qui n’est pas vérifiable en dur.


 

Mais l’important n’est pas là.

Ce qui est important, c’est qu’au lieu de dire à M. DE MAISTRE que ce n’était pas du rôle d’un ministre ou d’un agent de l’Etat, et ce pour préserver la procédure et les risques de corruption (je dis bien le risque et pas l’accomplissement), de donner suite à une demande d’un tiers sur le déroulement d’un contrôle, M. WOERTH a, au contraire, conduit une enquête sur ce contrôle faisant intervenir la cellule fiscale du ministère et le bureau CF2.

Ces faits rapportés par l’IGF sont qualifiables de manquement à l’obligation de neutralité et d’abus de fonction pour tout agent de l’administration fiscale. Il s’agit de règles déontologiques qui font l’objet de sanctions chaque année.

Par comparaison, ce qu’a fait M. WOERTH revient à enquêter sur un contrôle fiscal avec tous ses moyens disponibles sur demande d’un tiers à l’administration. Déjà si c’était un agent non mandaté, ce serait une faute mais en plus, il s’agissait d’une personne extérieure aux services et n’ayant donc pas d’obligation de confidentialité.

Imaginez que votre patron demande à un inspecteur des impôts où en est votre situation fiscale. Seriez-vous d’accord pour que cet inspecteur fasse une enquête sur vous à cette occasion ?


 

Il manque un élément à cet article du rapport de l’IGF : quelles ont été les conséquences de cette enquête ? En d’autres termes, M. WOERTH a-t-il transmis les informations demandées à M. DE MAISTRE ? Car déjà le fait d’enquêter est une faute mais en plus si ces informations sont sorties du service…


 

N’en déplaise au gouvernement, le rapport de l’IGF commandé pour « blanchir » M. WOERTH n’y est parvenu que partiellement. Ce rapport démontre bien qu’il y a eu au moins une fois utilisation des services et des pouvoirs du ministre pour des raisons personnelles ce qui est qualifié de manquement à l’obligation de neutralité et d’abus de fonction pour tout fonctionnaire. Evidemment, le ministre n’est pas un fonctionnaire. Mais serait-il normal que les règles déontologiques qu’il devait faire appliquer dans ses services, lui-même ne se les soit pas appliquées ?

Partager cet article
Repost0

commentaires