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  • : Le blog de Thomas PETIT
  • : Recherche et partage d'alternatives à une société en panne d'imagination sociale. La théorie doit mener à une pratique positive.
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  • Thomas PETIT
  • Economiste de formation et de prédilection, j'ai touché à pas mal de petits boulots dans le privé avant de me diriger vers l'administration fiscale. J'ai eu plusieurs fois des positions importantes de négociateur et analyste syndical et politique.
  • Economiste de formation et de prédilection, j'ai touché à pas mal de petits boulots dans le privé avant de me diriger vers l'administration fiscale. J'ai eu plusieurs fois des positions importantes de négociateur et analyste syndical et politique.

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6 juin 2014 5 06 /06 /juin /2014 11:06

Après 2 échecs majeurs du parti socialiste aux élections, après la fronde de dizaines de députés contre un gouvernement pourtant théoriquement de même orientation politique, une crise est clairement ouverte au Parti Socialiste.

 

Mais comment ne pas voir dans cette crise politique une crise de sens, une crise de fond qui va au-delà de la question de résultats électoraux mais qui revient plus à une nécessaire psychanalyse du parti et de ses leaders?

 

François Hollande, issu des primaires socialistes puis élu par la gauche, nous annonce soudainement qu'il est favorable à un socialisme de l'offre. Mais qu'est-ce qu'un socialisme de l'offre? L'a-t-il jamais évoqué lors des primaires puis des présidentielles? Quelle légitimité a-t-il à mettre en place cette orientation alors qu'il n'a pas été élu sur ce principe?

 

A défaut d'explication antérieure, nous pouvons essayer de définir ce socialisme de l'offre sur la base de ce que propose François Hollande et ses gouvernements successifs.

 

Premier principe de ce socialisme de l'offre : les entreprises créent l'emploi et les richesses.

Le pacte de responsabilité a pour première mesure de donner 30 milliards aux propriétaires du capital des entreprises en espérant qu'ils en réinvestissent une partie et créent ainsi des emplois.

L'idée est que la création de richesses vient du capital physique et des propriétaires de capital.

Bien sûr, dans le système actuel, ils jouent un rôle essentiel permettant cette production de richesses. Mais ils sont aussi les décideurs qui ont empêché les investissements de long terme qui ont fait le succès d'autres pays. Ils ne sont donc qu'un maillon de la chaîne de production et l'on pourrait même dire avec les résultats concrets de nos entreprises qu'ils sont un maillon faible. Ce n'est pas leur capacité financière qui est faible vu l'augmentation faramineuse des richesses des 5% les plus riches en France ou le nombre de millionnaires dans notre pays (une des concentrations les plus élevées au monde).

Leur échec vient bien de leurs décisions et ce n'est pas en leur donnant 30 milliards supplémentaires que l'on améliorera leur capacité à faire de bons choix.

En fait, la droite, reprise par le socialisme de l'offre dans ce discours, mélange entrepreneurs et entreprises. Les entreprises tirent leur richesse d'abord d'idées et de travail. Le capital financier ne fait qu'accompagner ou suivre ces 2 facteurs. Les idées viennent d'abord d'entrepreneurs, le travail, du capital humain du pays, mis à disposition d'une manière ou d'une autre par l'Etat.

Favoriser les entreprises devrait donc revenir à favoriser les entrepreneurs, par exemple avec l'idée des entrepreneurs d'avenir déjà développée dans ce blog, ou bien les travailleurs et là le rôle de l'Etat est bien sur majeur.

Or les mesures prises par le socialisme de l'offre consistent à réduire les dépenses mutualisées alors qu'elles sont essentielles pour libérer la créativité de la majorité des citoyens.

Comment peut-on qualifier ces mesures de socialistes alors que le socialisme a pour essence l'émancipation de la majorité? Peut-on penser qu'augmenter les inégalités permettra à long terme cette émancipation? Peut-on penser que réduire les remboursements mutualisés de santé ou supprimer les minimas sociaux comme le ministre du travail, François Rebsamen, a récemment proposé, pourrait être émancipateur d'ouvriers qui peinent déjà à boucler les fins de mois lorsqu'ils ne sont pas malades?

Piketty a montré l'inefficacité à long terme de ces politiques aux USA. Au contraire, elles développent les inégalités et la soumission forcée des travailleurs aux rentiers (propriétaires d'un patrimoine suffisamment élevé pour en vivre sans travailler).

En quoi est-ce du socialisme?

 

Deuxième principe de ce socialisme de l'offre : il n'y a pas d'autre politique possible.

François Hollande justifie sa politique en disant qu'elle est imposée par Bruxelles ou par les marchés, et que de toute manière, il n'y a pas d'autre choix possible pour redresser la France.

Même s'il avait raison, le socialisme, c'est l'alternative, le refus de la fatalité. C'est sa force, la source de son immortalité.
Chaque fois qu'un socialiste dit qu'il n'y a pas le choix, qu'il n'y a pas d'alternative, alors il affaiblit l'idée du socialisme.
Thatcher et Reagan l'avaient très bien compris et ont fait les beaux jours de la droite radicale en promouvant le There Is No Alternative (TINA).
Ce faisant, ils tuent tout espoir de changement. Ils tuent la démocratie et créent les conditions pour que le pouvoir reste dans les mains des puissants.
Au contraire, l'équipe de Lionel Jospin ou de François Mitterrand, en proposant une autre politique et en l'appliquant au moins les premières années, avaient redonné l'espoir.

Or, si les résultats de Mitterrand ne furent pas à la hauteur des espérances notamment par un manque de mesures prenant en compte la pompe vers les autres Etats, les résultats de Jospin furent exemplaires malgré une période de crises mondiales répétées. Il ne faut jamais oublier que la dissolution de 1997 avait pour objectif de la droite de mettre en place une politique d'austérité massive pour redresser le pays : il n'y avait pas le choix? Jospin a montré le contraire.

Je conteste donc la possibilité d'un socialisme de la fatalité.

 

Troisième principe de ce socialisme de l'offre : le pragmatisme affiché.

Le gouvernement et une bonne partie des ténors du PS se disent pragmatiques et indiquent tout faire pour retrouver la croissance qui serait la solution à tous nos maux et notamment au chômage.

Déjà, pour retrouver la croissance, il faudrait gagner des marchés sur les autres grâce à la compétitivité. Mais mettre les travailleurs les uns contre les autres ne fait que créer les conditions de détérioration de leur travail.

De plus, il ne s'agit pas de faire croître globalement mais de prendre des marchés existants.

Cette politique dite pragmatique vise donc à prendre la couverture aux autres au risque de créer des tensions et d'amoindrir les marchés que l'on veut acquérir... Pas très logique.

Mais au-delà, quel est le sens de la croissance? Est-ce la solution au chômage massif?

Nous savons pertinemment que la croissance économique dans un monde fini n'a pas de sens. Les ressources deviennent rares et c'est plus la recherche de moyens de diminuer nos besoins qui permettraient de mieux vivre, le problème étant que ça diminuerait les échanges et donc la croissance.

Un autre paradoxe est que les moteurs actuels de la croissance sont l'augmentation de la population (et donc pas une croissance par personne) et la productivité. Or la productivité est par essence une diminution des besoins en travail. Comment résoudre le chômage par une augmentation de la productivité???

Au contraire, le pragmatisme voudrait que l'on investisse dans la transition écologique pour diminuer les besoins, améliorer les durées de vie des biens, ... Le pragmatisme voudrait que ce soit le partage des temps de travail et des richesses créées, le développement des patrimoines des moins bien lôtis et le patrimoine commun, qui soient favorisés.

Le socialisme de l'offre n'a donc de pragmatisme que les discours de ceux qui le soutiennent.

 

Quatrième principe du socialisme de l'offre : le modernisme.

L'argument qui tue est celui du modernisme.

Il faudrait moderniser la gauche. Oui mais ça signifie quoi?

Pour eux, moderniser semble signifier accepter le travail du dimanche par exemple.

Revenir au 18ème siècle est-il un marqueur du modernisme???

Il en est de même de toutes les mesures de régression sociale comme la réduction des services publics, la réduction des dépenses mutualisées, la réduction des droits des travailleurs, ...

Moderniser, ce serait aussi supprimer les départements et supprimer des régions.

Pourquoi pas, mais quel en est le but? Le socialisme préconisait une décentralisation. Peut-on parler de décentralisation lorsque l'on coupe un étage de la fusée?

Revenir aux provinces serait-il moderne?

 

Bref, le socialisme de l'offre affiche de grandes valeurs marketing et populistes qui ressemblent plus à des poncifs : modernisme, réalisme, ...

Mais toutes ces valeurs affichées sont contredites par les mesures proposées.

Et plus encore, elles font état d'un choix contradictoire. Soit on est socialiste, soit on est conservateur mais on ne peut être les 2. Le gouvernement, pour des raisons de calcul politique, mais aussi d'imprégnation profonde d'une culture orientée des médias et des élites dont ils veulent faire partie, ne veut pas faire ce choix et se déclare d'un côté et de l'autre.

Le résultat est catastrophique car iles perdent leurs électeurs potentiels et ne gagnent pas ceux de la droite qui ... voteront pour les candidats de droite.

Mais le pire, c'est qu'ils y perdent leur âme, ils y perdent le sens de leur combat, et ils entraînent ce faisant le parti socialiste qui pourtant devait représenter le centre de gravité de la gauche, le rassemblement de toutes les forces autour de ces valeurs de base.

Il est donc plus qu'urgent pour le parti socialiste de revenir sur ces valeurs pour rassembler à nouveau ceux qui croient vraiment dans le socialisme et qui ne sont pas au parti juste parce que c'est un grand parti.

Il est tant que le PS rassemble à nouveau la gauche en respectant ses partenaires, ses minorités; en étant un lieu de débats sur les moyens mais toujours un lieu d'orientation de ces moyens vers l'amélioration de la vie de tous et l'émancipation de chacun pour boussole.

Il est temps que le PS se retrouve et c'est de la responsabilité de la direction actuelle du PS de se démarquer du gouvernement et de ce "socialisme de l'offre".

Il est temps car s'il ne le fait pas, alors un autre parti devra prendre la place de ce centre de gravité comme le PS l'a fait au détriment de la SFIO. Seuls les militants et les autres partis de gauche pourront alors décider de l'avenir de la gauche : s'unir ou périr !

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